mercredi 13 août 2008

Bons Baisers de Bruges

Malgré un titre crétin et une affiche à côté de la plaque, ce Bons Baisers de Bruges sorti (presque) de nulle part est une très belle surprise et un coup de maître de l'auteur/réalisateur Martin McDonagh dont c’est là le premier long métrage.
Avec un extraordinaire sens de la rupture et de la réplique qui tape juste affûté sans doute par son passé de dramaturge, l’auteur met en place une tragi comédie très écrite, noire et parfois décalée sur fond d’états d’âme de tueurs en cavale passablement dépressifs.

Le duo d’acteurs qui domine le film fonctionne admirablement bien sur le mode du tandem sans verser à aucun moment dans le buddy movie calibré.
Dans le rôle de l’agité, Colin Farrell expose un registre étonnant, tout à la fois émouvant, violent et comique dans le style pas très futé. Face à un Brendan Gleeson omniprésent, impressionnant de justesse et de sobriété, on pourra peut-être lui reprocher ici ou là d’en faire un peu trop, mais c’est parfois le "prix à payer" avec cette catégorie d’acteurs intenses et charismatiques qui, à force de crever l’écran, vont jusqu’à déborder du cadre par instants. Phénomène que l’on retrouve parfois avec Robert Downey Jr ou Daniel Day Lewis, mais qui tout compte fait se révèle largement bénéfique pour le film et le spectateur.

L’apparition tardive de Ralph Fiennes vient compléter le tableau sans jamais le déséquilibrer. L’acteur trouve aisément son propre registre et semble prendre au passage un grand plaisir à se détourner de son image d’éternel séducteur en incarnant ce chef de bande paranoïaque et colérique toujours à la limite de l’explosion meurtrière.

Si l’intrigue réserve quelques trouvailles jubilatoires grâce à un auteur qui ne néglige jamais la progression dramatique de son scénario, elle n’est au final qu’un composant un peu secondaire dans ce qui semble être avant tout une observation parfois attendrie mais jamais complaisante de trois ou quatre personnages au tournant de leur très médiocre existence. Tout comme la ville de Bruges qui somme toute aurait pu parfaitement être Berlin, Rome ou Paris. Car le véritable décor du film est bien davantage le visage de ces personnages souvent filmés au plus près, comme pour guetter les infinies nuances de leurs ultimes tourments.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Robby,
Découvrant votre blog, je me sens globalement assez proche de votre sensibilité cinématographique, notamment en ce qui concerne ce Bons Baisers de Bruges, que vous chroniquez avec beaucoup de justesse. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, j'aimerai ajouter votre blog à ma liste de liens...
Au plaisir de vous lire...

RobbyMovies a dit…

Merci beaucoup de votre intérêt, j'ajoute également votre blog à mon weborama. A Bientôt.

Anonyme a dit…

Bonjour !
Ohlalala ben comment tu as fait pour apprécier ce film ? Je l'ai trouvé d'un moche et d'un ennuyeux à faire fuir. Ni les personnages, ni la ville (que par ailleurs j'adore) ni l'intrigue, ni les effets fantastico-je-ne-sais-quoi ne m'ont donné l'impression d'aller quelque part. Mais bon j'ai du retard sur mes petites critiques, il va falloir que je rédige un peu mieux celle là !
Bisous,
Pénélope.

RobbyMovies a dit…

Bonjour Pénélope
"Comment j'ai fais pour apprécier" le film ? Hmmm je crois que mon billet tente d'en exprimer les raisons... Il est vrai que l'image n'est pas très belle, mais ça me paraît ici totalement secondaire, voire participe à l'ambiance générale. J'ai hâte de lire ta propre vision du film.
Robby

Erik Wietzel a dit…

Très bonne surprise - enfin ça n'en était pas une, vu que j'avais lu ta chronique bien avant.

Le film progresse tranquillement de la comédie à la tragédie la plus noire. Ce qui en fait un objet hybride, qui peut déconcerter et déplaire tant les options, voire les virages, pris sont radicaux.
Tous les personnages sont ambiguës. Y compris les plus secondaires. Une ambiguïté qui tient peut-être aussi du jeu des apparences, des illusions : le scénario présente des personnages qui s'avèrent ne pas être tout à fait ce qu'on nous a dit au début.
C'est assez évident avec le personnage du nain - je me demande par ailleurs si je ne suis pas passé à côté de toute une symbolique, des références...
Cette façon qu'on a de prendre parti pour un personnage avant de le détester la scène suivante, pour tout lui pardonner deux scènes plus tard. A l'Anglaise, j'ai envie de dire. Et moi j'adore ça !

Fienes fait un méchant remarquable - il avait fait ses preuves dans la Liste de Schindler.
Gleeson et Farrell sont impecs aussi - je pensais au Rêve de Cassandre tout du long, avec ce rôle de meurtrier qui n'assume pas au point de devenir suicidaire.
Farrell dont on se demande à quel moment il va péter les plombs et montrer son visage de brute imprévisible!

Quelques points qui m'ont moyennement plu : le suicide du bad guy, ses motivations.
Les passages avec le nain - je rejoins un peu l'avis de Pénélope, mais sans doute que le scénar a voulu y mettre quelque chose qui m'a échappé.
La tenancière de l'hôtel, un peu trop courageuse au vu des circonstances.
La manière dont tout le monde se retrouve avec une telle facilité au même endroit, pour la conclusion. Mais ça n'est pas très important en regard du reste, une réussite émouvante et assez déprimante, quand même.